Je me réveille ce matin avec une furieuse envie de pourfendre une bonne fois pour toutes cette peste que sont les scènes de sexe au cinéma et dans les séries TV. Libertaires et nihilistes y verront peut être la manifestation d’une pudibonderie réactionnaire. Il n’en est rien. C’est ici l’indignation du vrai amateur d’art qui s’exprime.
Un concept bizarre et inutile
Soyons honnêtes : les scènes de sexe au cinéma n’ont pas la moindre utilité, ni narrative, ni esthétique, ni conceptuelle. Elles sont vulgaires, inutiles, gênantes et profondément perverses. Ceux qui disent le contraire, ceux qui justifient ces scènes au nom de l’art, sont juste à mes yeux des voyeurs hypocrites.
Selon moi, les réalisateurs qui incluent ce genre de scènes dans leurs œuvres sont soit des esprits grossiers, soit des nuls, soit des pervers. Ils peuvent bien sûr être les trois en même temps.
Etant un passionné de romanité, j’ai décidé tout récemment de revoir la série Rome (2005), que j’avais découverte il y a au moins 10 ans de cela. Cette série fait aujourd’hui encore l’objet d’une véritable dévotion de la part de millions d’amateurs d’histoire antique en raison de sa remarquable exactitude, de la qualité de sa production et de l’excellence de ses acteurs.
Malheureusement, au milieu de cette virtuosité cinématographique, les réalisateurs se sont sentis obligés d’inclure, dans presque chaque épisode, au moins une scène de sexe cru. Ces scènes, qui ne durent généralement pas plus de 30 secondes, suffisent largement à dégoûter tout spectateur doté d’un minimum de sens moral et de bon goût. Le dégoût et la gène sont décuplés si vous avez la mauvaise idée d’avoir à subir ces scènes en compagnie d’un relatif.
J’ai d’ailleurs appris dernièrement que la télévision italienne avait diffusé une version épurée, dans laquelle les scènes de sexe avaient été censurées. La production aurait été bien inspirée d’appliquer l’exemple italien sur ses autres marchés, ce qui nous aurait permis de visionner cette série sans avoir la douleur de la voir gâchée toutes les demi-heures par un instant de pure vulgarité.
Et qu’on ne me réponde pas que je suis un prude. Dans l’immense majorité des cas, les scènes de sexe au cinéma pourraient tout à fait mériter de se retrouver dans des films érotiques, voire même dans des films pornographiques.
Est-ce qu’il vous viendrait à l’idée de regarder un film érotique ou pornographique en présence d’un membre de votre famille, d’un ami ou au milieu d’une foule de spectateurs ? Est-ce qu’il vous viendrait seulement à l’idée de vous rendre seul dans un cinéma pour regarder ce genre de choses ? Evidemment que non. Seuls les gros détraqués font ça. Et vous n’en êtes pas un, n’est-ce pas ?
Une question se pose alors : si les scènes de sexe n’apportent rien sur le plan d’une narration ou sur le plan de l’esthétique, à quoi servent-elles donc ?
Aux origines du wokisme
Les scènes de sexe apparaissent au cinéma à la fin des années 1960 et se banalisent complètement dans les années 1980-1990. De nos jours, un film sans scène de sexe est devenu l’exception plutôt que la règle. Mais avant les années 1960-1970, c’était l’inverse.
C’est que nous étions encore avant la 3e révolution sexuelle et l’explosion de la contre-culture postmoderne. Si vous voulez trouver les origines du « wokisme » dans le monde de l’art moderne, et plus spécifiquement du cinéma, il ne faut pas les chercher ailleurs que dans cette démocratisation graphique du libertinage. La révolution sexuelle n’a jamais été mieux portée que par le grand écran.
Le pape Pie XI, qui faisait la promotion d’un cinéma vertueux, avait par ailleurs parfaitement perçu le danger :
Ces moyens merveilleux de diffusion, qui peuvent, dirigés par de saints principes, être de la plus grande utilité pour l’instruction et l’éducation, ne sont que trop souvent subordonnés à l’excitation des passions mauvaises et à l’insatiable avidité du gain.
Pape Pie XI, Divini Illius Magistri
Bien sûr, avant le triomphe de la contre-culture, le cinéma de l’ère classique pouvait déjà se montrer subversif, dérangeant, choquant dans les thèmes exploités. Mais la société occidentale de ce temps-là était encore capable de faire preuve de profonde créativité sans recourir à la vulgarité graphique.
De nos jours, c’est le contraire. On a l’impression que les réalisateurs dissimulent leur médiocrité par une débauche de sexe cru. A moins qu’il ne s’agisse d’une façon d’exprimer leur propre perversité. Qu’on se souvienne (bien qu’il vaille mieux l’oublier) du film d’Abdellatif Kechiche, « La vie d’Adèle » (2013), qui fût primé par trois fois au festival de Cannes alors qu’il s’agit probablement du film français le plus répugnant et le plus vide de toute la décennie, ce qui est un exploit en soi lorsque l’on considère les abysses de nullité dans lesquelles ont sombré le cinéma hexagonal ces dernières années.
Ce film est pourtant tout juste classé comme « interdit au moins de 12 ans » (comme si ces recommandations étaient suivies de toutes manières) alors qu’il n’est qu’une longue suite de scènes pornographiques…mettant en scène des personnages mineurs.
Le cinéma classique était capable de retranscrire l’amour, la passion, la sensualité, par la simple suggestion, mais sans jamais recourir au sexe graphique. En ce temps-là, la société était certes déjà bien engagée sur la voie de la décadence culturelle, mais son l’héritage chrétien pluriséculaire lui permettait encore de comprendre à quel point le respect -au moins formel- de la morale naturelle était la condition même de l’excellence artistique.
C’était d’ailleurs une époque où l’Eglise catholique contrôlait la censure à Hollywood et où les ligues de vertus parentales et citoyennes en Europe tenaient en respect les propagateurs d’art subversif. C’était une époque où des parents, parfois accompagnés de leurs jeunes, allaient jusqu’à saccager des salles de cinéma pour faire comprendre à l’industrie cinématographique qu’on ne tolérerait pas que l’art soit sali par la subversion érotique.
Ce ne sont pas seulement les scènes tendancieuses qui pouvaient choquer, mais aussi les narratifs subversifs et anti-moraux. Par exemple, un film qui romantisant et excusant la culture du divorce, du libertinage, ou du banditisme sans apporter le moindre jugement moral positif avant le générique de fin était perçu, à raison, comme subversif, précisément parce qu’il normalisait de fait des comportements essentiellement hostiles à l’ordre moral et donc à l’ordre social lui-même.
Il me semble donc que
L’art de l’intime
Pour avoir regardé beaucoup de films français et italiens des années 1930 à 1960 (notamment les films de Henri-Georges Clouzot, Louis Malle, Dino Risi, etc), j’ai toujours été frappé du raffinement simple de ces œuvres, qui pourtant pouvaient comporter des éléments de sensualité.
Dans le cinéma de cette époque, il n’y a nul besoin de montrer la moindre scène de sexe. Même les baisers sont rares et quand ils apparaissent, ils sont exécutés à la manière ancienne, le fameux « baiser de cinéma ».
L’immense Pierre Fresnay, avait tellement de classe et de retenue qu’il refusait catégoriquement tout rôle dans lequel il aurait à réaliser ne serait-ce qu’un faux baiser. Cela ne l’a pas empêché d’être l’un des plus grands acteurs français de tous les temps.
Lorsqu’une passion, légitime ou coupable, était exposée à l’écran, elle s’exprimait par l’émotion d’un regard, par des gestes tendres ou par quelques mots envoutants. Nul besoin de filmer de longues scènes grossières où l’on nous force, souvent par surprise, à contempler une copulation répugnante, qui, je le répète, n’apporte strictement rien au scénario. Jamais. En aucun cas.
Dans le film classique, une porte qui se referme derrière un couple qui s’enlace sur une musique lancinante suffisait largement à faire comprendre au spectateur qu’on entrait dans le domaine de l’intimité. En montrer davantage n’était pas seulement tomber dans l’immoralité pure, mais surtout sombrer dans la grossièreté la plus complète.
D’une certaine manière, même si comme on le sait, le cinéma classique comportait déjà nombre de thèmes subversifs, il reste largement supérieur d’un point de vue artistique au cinéma moderne, précisément parce qu’il parvenait à retranscrire l’interdit par une suggestion brève, subtile et non-graphique.
Aujourd’hui, hélas, rares sont les films ou les séries qui nous épargnent les scènes de sexe. Le plus lamentable étant lorsque des œuvres prodigieusement intéressantes sont gâchées par l’inclusion de scènes de coït, et plus encore lorsque les producteurs introduisent des couples homosexuels.
Deux séries récentes, « Incorporated » (2016) et « Raised by Wolves » (2020), rares par la profondeur intellectuelle de leur scénario, sont ainsi gâchées par une ou deux scènes de sexe qui en toute objectivité, n’ont strictement aucun intérêt narratif.
Il en va de même pour la magistrale série « Westworld » (2016), qui contient quantité de scènes impures (et inutiles), alors que sa version originale de 1973 (avec le mythique Yul Brynner) en était dépourvue.
Le cinéma classique savait manier l’art de l’intime. Parfois certes déjà de manière légèrement subversive, en fonction des intentions des réalisateurs, mais au moins, les limites de la décence la plus élémentaire étaient respectées sur la plan graphique.
A l’inverse, le cinéma actuel est devenu l’art des incapables et des nuisibles.
Ce n’est peut-être pas un hasard si la baisse de qualité scénaristique au cinéma soit inversement proportionnelle à la présence de sexe graphique et d’idéologie LGBT-inclusive dans les films. Plus les productions sont conceptuellement médiocres, plus on y insère des scènes de sexe pour mieux dissimuler le vide qu’on propose en réalité.
Mais de toute évidence, le sexe graphique au cinéma a bien d’autres fonctions. Tout d’abord, le vice se vend bien dans une société consumériste et libérale. Ensuite, le contrôle des passions, surtout des passions charnelles, est la clef du contrôle mental sur lequel reposent en grande partie les « tyrannies douces » que sont nos démocraties modernes.
Pourquoi il faut bannir les scènes de sexe au cinéma
Je suis donc pour l’interdiction totale des scènes de sexe au cinéma et dans les séries, peu importe leur classification. Les pervers n’ont qu’à se satisfaire du porno qu’on trouve déjà en bien trop grande abondance sur internet et qu’il faudrait d’ailleurs circonscrire aux bas-fonds de la production cinématographique, ou mieux encore, aux limites de la clandestinité. Le grand public n’a pas à subir la perversité à grande échelle.
La contre-culture postmoderne a introduit le sexe dans le cinéma grand public en même temps qu’elle se révoltait contre l’ordre moral naturel, assimilé à la « culture bourgeoise » par les freudo-marxistes occidentaux qui trouvèrent de précieux alliés chez les grands capitalistes, ravis d’exploiter à fond le filon insondable du vice humain.
Les effets de la révolution sexuelle se sont transmis de manière extrêmement efficace au cinéma, mais aussi à la télévision ainsi que dans les clips vidéos des chanteurs et des groupes de musique pop. Les boomers, la GenX et les millenials ont été particulièrement exposés à la banalisation du frivole et du sexe libertaire.
Curieusement, et grâce à Dieu, on observe aujourd’hui une sorte de réaction générationnelle contre la pornocratisation de l’espace culturel occidental. En préparant ce petit billet, j’ai été assez content de voir le nombre de posts sur X, sur Reddit ou d’articles de blog où les gens se demandent s’ils sont les seuls à être dégoûtés ou simplement gênés par les scènes de sexe au cinéma.
Les plus perspicaces se demandent d’ailleurs pourquoi ces scènes sont si omniprésentes alors qu’elles n’apportent rien à tel ou tel film ou telle ou telle série.
C’est la question que nous posions au début de cet article. Il est temps d’y répondre.
En vérité, les scènes de sexe au cinéma apportent quelque chose que Gunther Anders a très bien expliqué il y a fort longtemps. Elles apportent à ceux qui veulent en profiter, un extraordinaire pouvoir de contrôle sur les passions des individus :
Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissant, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux.
Gunther Anders, L’obsolescence de l’homme, 1956
Pour des raisons morales, mais aussi pour des raisons esthétiques et artistiques, il faut donc bannir les scènes de sexe au cinéma. Tous les amis de l’art doivent en être convaincus.